Au
laboratoire Cavendish de Cambridge, James Chadwick exulta.
-
Je
l’ai ! Je l’ai !
La
curieuse danse de la joie qu’il improvisa au milieu du laboratoire surprit les
étudiants présents dans la salle d’à côté et qui l’observaient par la verrière.
James Chadwick venait de trouver son Graal et mettait ainsi un terme à une
quête personnelle de plus de dix années. En effet, il courrait derrière le
neutron depuis bientôt treize ans, depuis qu’Ernest Rutherford dont il avait
été l’élève, avait supposé son existence.
Quand
il avait découvert les expériences de Bothe et Becker, puis celles des Joliot-Curie,
Chadwick avait compris qu’il n’était plus très loin du but. Si sa source de
polonium radioactif était bien moins intense que celle de ces collègues, sa
chambre à ionisation reliée à un amplificateur était en revanche plus précise.
Fort de la qualité de son appareillage, il avait donc répété leurs expériences
et avait analysé le recul des atomes bombardés. Le doute n’était plus
permis : ce nouveau rayonnement n’était pas constitué de gamma mais de
particules de masse voisine de celle du proton, de charge nulle.
These results, and
others I have obtained in the course of the work, are very difficult to explain
on the assumption that the radiation from beryllium is a quantum radiation, if
energy and momentum are to be conserved in the collisions. The difficulties
disappear, however, if it be assumed that the radiation consists of particles
of mass one and charge zero, or neutrons[1].
Le
mancunien tapa trois fois dans ses mains, très vite, à la manière d’un danseur
de flamenco avant de revenir au sérieux qui le caractérisait. Son corps se
raidit pour retrouver l’apparence austère d’un pasteur anglais dont il ne se
déparait que rarement. Il ramena la mèche de cheveux de sa tempe droite sur le
haut de son crâne et la peigna du plat de la main. Fin de la parenthèse
d’autosatisfaction. Il avait encore du travail. Multiplier les valeurs
numériques, affiner les résultats, écrire à Rutherford.
Puis
il publierait.
[1] « Ces résultats, et d'autres que j'ai obtenus au cours du travail,
sont très difficiles à expliquer en supposant que le rayonnement du béryllium
est un rayonnement quantique, si l'énergie et la quantité de mouvement doivent
être conservées dans les collisions. Les difficultés disparaissent cependant si
l'on suppose que le rayonnement est constitué de particules de masse une et de
charge zéro, ou de neutrons. » James Chadwick – Possible Existence of a
Neutron – Nature 27 février 2932.