Précis ! Pointu !
Zlatan Grubec est bosniaque. Il a été sniper à Sarajevo en 1996. Etranger dans sa propre ville, il est venu en France et a pris comme métier ce qu’il savait le mieux faire : tireur d’élite à la BRI. Aujourd’hui, sur le trajet de chez lui à la BRI, il s’arrête pour observer un accident pas banal dont il fait immédiatement ressortir les éléments cruciaux : un agent d’assurance a été tué dans sa voiture par un tir de sniper à plus de 200 m. S’ensuivent d’autres assassinats dont Zlatan est le témoin forcé à chaque nouveau « coup d’éclat » du sniper.
Nils Barrelon avait commencé de me convaincre avec « Le jeu de l’assassin » : honnête polar au personnage récurrent en la personne du commissaire Nils Kuhn et de son équipe. LE ton y était léger, l’histoire correctement ficelée et plutôt bien écrite. Sans être un chef d’œuvre, ce « Jeu… » méritait le détour.
Nils Barrelon a passé un cap : un roman un peu plus court qui le force à être plus synthétique et à moins délayer son histoire, à mettre de côté les parties plus légères et humoristiques de ses autres livres. Il doit ici aller droit au but, un peu comme la trajectoire d’une balle tirée par un sniper (et non pas d’une balle de foot frappée par un joueur marseillais, celles-là elles n’atteignent que rarement leurs cibles, sauf à ace que la cible soit située en tribune).
Toute l’intrigue du livre consiste à déterminer qui en veut à Zlatan (surnommé Ibra par ses collègues). Est-ce son passé bosniaque qui le rattrape via la figure de son ancien compagnon de guerre et mentor à Sarajevo, Goran, dont Nils Barrelon dévoile l’histoire commune petit à petit ? Est-ce une banale histoire de jalousie, de haine liée à son histoire française ?
Les passages relatant l’histoire de Zlatan à Sarajevo sont d’ailleurs les parties les mieux écrites du livre (le reste étant très bien écrit aussi) mais Nils Barrelon, en découpant cette partie de son récit intelligemment, en le morcelant adroitement, parvient à faire monter une tension dramatique pour amener son lecteur exactement où il le souhaite sur cette trame du passé de Zlatan. Bravo !
Nils Barrelon donne autant d’indices pour l’une que pour l’autre des solutions et ne divulgue son choix que vers la fin du livre, ménageant son suspens même si j’ai une petite réclamation à faire à l’auteur : Zlatan est impliqué dans une course poursuite avec le sniper, je dirai au milieu du livre, et pendant toute cette poursuite, Zlatan ne parvient pas à le reconnaître ou à mettre un nom sur cette démarche, sur cette carrure qu’il a l’occasion d’observer pendant la course ? Qu’il s’agisse d’une ancienne connaissance ou d’une plus récente, le fait qu’il s’agisse forcément d’une connaissance ne pouvant être remis en question, Zlatan ne peut pas ne pas avoir de présomption quant à l’identité du tueur. Mais je comprends que l’évoquer à ce moment du livre, si cela apportait plus de cohérence à l’histoire, en enlèverait une dose de suspens trop importante.
Niveau style, Nils Barrelon s’est amélioré clairement depuis « Le jeu… » : plus direct, moins de fioritures, il frappe juste dans ses descriptions et dans la structure de son récit. Je vous le recommande.