Mais pourquoi ce nouveau roman de l’écrivain français le
plus négligé de France a-t-il fait couler autant d’encre ?
Pourquoi certains journalistes ou critiques littéraires se
sont-ils drapés dans une indignation surjouée pour éreinter ce nouvel opus du
Goncourt 2010 ?
Pourquoi ces polémiques entendues ici et là, avant même la
sortie en librairie, sur le caractère abject, nauséeux du dernier
Houellbecq ?
Franchement… Je ne sais pas.
Ou si, j’ai bien une petite idée. Deux même :
a)
ces commentateurs zélés n’ont pas lu le livre et
ont cédé aux sirènes de la provocation que manie Houellbecq à la
perfection ;
b)
ils
n’ont pas résisté au plaisir de démonter l’auteur à démonter (c’est la même
chose à chaque livre de Houellbecq, il faut absolument aimer ou ne pas aimer,
la demi-mesure n’est pas possible. Son prix Goncourt en 2010 traduisit cette
tendance.)
Car, il ne faut pas oublier que Soumission est sorti le 7
janvier, soit 3 jours avant les attentats de Charlie Hebdo (les journalistes se
sont moqués dans leur numéro du 3 janvier des prédictions du mage Houellbecq).
Des critiques virulentes auraient éventuellement pu se justifier au nom de
l’émotion suscitée après ces attentats. Mais avant ?
De quoi parle ce dernier roman ? Michel Houellbecq
imagine l’arrivée d’un gouvernement islamiste en France à l’issue du processus
démocratique normal (pas de coup d’état mais un premier puis un second passage
par les urnes) et de la politique qu’il pourrait alors mettre en place, bien loin
de la charria brutale revendiquée par Al Quaïda ou Boko Haram.
Ce qui dérange, ce qui explique ces cris
d’orfraie ? Peut-être le caractère faussement prophétique de Houellbecq
qui choisit de placer cette fiction dans un futur proche, très proche même.
2022. Je trouve pour ma part que cette proximité est à double tranchant :
-
elle est amusante car on croise alors dans le
roman une galerie de personnages qui nous est familière : Bayrou (qui en
prend pour son matricule), Copé, Hollande, Le Pen, Pujadas, Christophe Barbier…
-
elle ne va pas dans le sens de la provoc’
initiale : on a un peu de mal à croire à l’avènement de cette prophétie.
Soumission n’est finalement qu’un roman de
Houellbecq parmi les autres. Ce n’est pas le meilleur (pour moi : Les
Particules Elémentaires), ce n’est pas le plus mauvais (pour moi : la
Possibilité d’une Île). Le narrateur se meut mollement dans cette société où il
a bien du mal à trouver sa place (et, cet opus est finalement un des premiers
où il va réussir à donner un sens à sa vie –du moins on le suppose) en
dissertant, sans volonté de prosélytisme, sur l’intérêt de la polygamie, sur la
prose d’auteurs méconnus, sur le bon choix d’une escort girl –toujours un peu de cul chez Houellbecq- sur le déclin
de l’empire chrétien, sur la qualité des plats micro-ondables. Du Houellbecq
pur sucre donc dans lequel, comme toujours, certaines remarques, souvent noyés
dans des digressions plus pénibles, frappent par leur acuité.
Toujours est-il, pour revenir sur ces
polémiques stériles, que ce roman ne m’est pas apparu comme islamophobe (ces
derniers temps, Michel Houellbecq, après avoir suspendu un temps sa promo,
multiplie les interviews pour l’affirmer et s’en défendre) mais plutôt, pour le
coup, islamophile. Houellbecq imagine le retour d’une société religieuse. Si ce
n’est peut-être pas pour tout de suite, ce n’est pas si bête. Il y a peu encore,
l’église et l’état ne faisaient qu’un et, en France, cette église était catholique.
La date de scission marqua-t-elle le début du déclin français que déplorent
nombre de commentateurs (je ne compte pas Eric Zemmour qui ne donne pas un
avis mais fait du commerce) ? La religion musulmane n’est-elle pas l’aube de
prendre le relais pour, éternels recommencements de l’histoire, revenir à une
société empreinte de spiritualité et régie par des codes plus clairs donc plus
rassurants bien que rétrogrades parfois, le culte musulman tentant de réussir
là où les chrétiens ont finalement échoué ? C’est ce que suggère
Houellbecq.
Bref, faut-il lire Soumission ? La
réponse est simple. Quatre cas de figure :
-
Vous aimez Houellbecq ? Alors lisez-le, il
ne vous décevra pas même s’il a peu de chance de figurer dans votre panthéon
houellbecquien.
-
Vous n’aimez pas Houellbecq, son style vous
horripile, le personnage vous dégoûte, vous détestez les passages de sexe assez
crus ? Ne le lisez pas, il vous conforterait dans votre point de vue.
-
Vous n’avez jamais lu de Houellbecq ? Ne le
lisez pas et attaquez plutôt par l’Extension du domaine de la lutte ou Les
Particules Elémentaires.
-
Vous n’aimez ni détestez Houellbecq ?
Soumission se lit facilement et vous fera passer un agréable moment.
Quoi ? Vous ne rentrez dans aucun de ces quatre
cas ? Ben… Euh… Courrez acheter le Jeu de l’Assassin de Nils
Barrellon ! C’est frais et sans prise de tête. Houelbecq attendra !
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